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Pourquoi, une fois qu’on les a déjà couvertes des pieds à la tête, empêchées de travailler, de s’instruire, de jouer de la musique, de se promener dans les parcs, de regarder dans les yeux les hommes, de voyager seules…, aller jusqu’à priver les femmes de leur voix ? « La voix, c’est comme le signe de la vie, a estimé sur France Culture, le 27 août, la journaliste afghane Hamina Adam. C’est juste une manière de nous tuer encore plus. C’est une manière de faire perdre le peu d’estime de soi qu’ont les femmes. »
Depuis le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, en août 2021, les droits des femmes sont réduits à néant. Des milliers d’entre elles se sont vu interdire les emplois qu’elles exerçaient auparavant, des milliers de jeunes filles ont été exclues de l’école ou de l’université. Sommées de rester chez elles, isolées les unes des autres, elles vivent de plus en plus comme des prisonnières.
La nouvelle loi promulguée le 22 août renforce ces restrictions, jusqu’à prohiber tout à fait la voix des femmes dans l’espace public. Il leur est interdit de chanter, de déclamer de la poésie ou de lire à voix haute en public, mais aussi, tout simplement, de parler. Lorsqu’elles sortent de chez elles, les femmes doivent désormais couvrir leur bouche avec un masque et veiller à ce que leur voix ne soit pas entendue.
« Le seul son d’une voix féminine à l’extérieur du foyer est apparemment considéré comme une violation morale », soulignait, le 26 août, sur TV5 Monde, Roza Otunbayeva, cheffe de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan. Dans un pays où les femmes doivent se soustraire au regard des hommes, leur voix était leur dernière marque de singularité individuelle, que les talibans réduisent à un appât concupiscent. Si la voix oblige l’oreille à écouter, elle attire également le regard comme un aimant. Exiger des femmes qu’elles se taisent dans l’espace public, c’est les rendre transparentes, lisses aux regards, fondues dans le paysage ; on peut désormais presque oublier qu’elles sont là.
Faisons un détour par l’Iran, où, depuis la révolution de 1979, on interdit aux femmes de chanter seules sur scène devant des hommes ou un public mixte. Le film d’Ayat Najafi, No Land’s Song (2014), a retracé le long combat qu’a mené la sœur du réalisateur, la compositrice iranienne Sara Najafi, pour organiser en 2013 un concert de femmes à Téhéran, avec le soutien des chanteuses françaises Jeanne Cherhal et Elise Caron. Comme le dit Sara Najafi dans le film, faire entendre la voix des femmes dans un pays où elle est en train de disparaître, est « l’acte le plus révolutionnaire qu’on puisse accomplir ».
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